Tchou, tchoouuu ! - COMM'une info n° 79

Publié le 11 juin 2024
Le Festival suisse de la vapeur Blonay-Chamby a refermé ses portes le lundi 20 mai après trois jours de festivités. L’occasion de s’intéresser de plus près aux professions qui gravitent autour de ces trains historiques. Reportage.

Il est 11h25, sur le quai de gare de Blonay, lorsque nous embarquons à bord de la locomotive à vapeur Mallet no 105, de construction allemande, direction Chamby. En tout, l’Association du chemin de fer-musée Blonay-Chamby compte quatre machines à vapeur en état de marche, datant de 1890, pour la plus ancienne, à 1918, pour la plus récente, avec chacune ses spécificités. Pour conduire notre colosse de métal, nous retrouvons à l’avant Thibaud Pinna, le mécanicien (ndlr : nom que l’on donne aux conducteurs de machines à vapeur) et Émilien, aspirant chauffeur. Deux personnes sont en effet nécessaires pour assurer le fonctionnement d’une locomotive à vapeur.

Un travail d’équipe

Si Thibaud est chargé de la conduite - il agit sur l’accélérateur et le frein en fonction de l’avancée du convoi - et de tous les aspects sécuritaires (entretien et révision de la machine, dégagement de la voie, etc.), Émilien, placé sous son autorité, a pour mission d’alimenter le foyer en charbon et la chaudière en eau, afin de maintenir la pression nécessaire au fonctionnement de l’engin. Un travail d’équipe, effectué en parfaite synergie, de manière à obtenir la vitesse la plus régulière et rendre le trajet le plus agréable possible pour les passagers. « Nous communiquons tout le temps. Si, par exemple, on a trop de charbon dans le foyer, j’augmente la vitesse pour utiliser cette énergie. Si c’est l’inverse, je vais ralentir pour éviter de tout griller », commente Thibaud. Il faut également éviter un niveau d’eau excessif pour ne pas faire baisser la pression et donc l’énergie.

L’eau est un élément que le conducteur et le chauffeur sont aussi obligés d’avoir à portée de main tant la température à l’intérieur de la cabine peut monter. « Durant l’été, nous atteignons facilement les 65 à 70 degrés. On peut perdre jusqu’à 6 litres d’eau facile, raison pour laquelle nous sommes obligés de boire constamment. » Autant dire que la concentration est de mise tout au long du trajet. Le tronçon, d’une longueur de 3 km entre Blonay et Chamby, comporte toutes les caractéristiques d’une ligne de montagne : forte déclinaison, un passage sur un viaduc, en corniche et dans un tunnel. Des difficultés qui confèrent par ailleurs aux chauffeurs
et mécaniciens de l’association une solide réputation dans le milieu.

Entretien

Après une vingtaine de minutes de trajet, nous arrivons au terminus de Chaulin-dépôt, là où se trouvent aussi le Musée de l’association et son restaurant. « Nous profitons de la pause avant le prochain convoi pour vérifier l’état de nos réserves », détaille Thibaud Pinna. Au départ de Vevey, la locomotive disposait de près de 3'600 litres d’eau répartis dans les soutes disposées de part et d’autre des flancs de la machine, tandis que la soute à charbon contenait, elle, 1 tonne d’or noir. « Si l’on compte le trajet depuis Vevey, d’une longueur de 9,5 km, nous avons consommé jusqu’ici près de 3'000 litres d’eau et près de 500 kg de charbon », poursuit le conducteur. Des frais courants qui sont assurés par la vente des billets de transport, les recettes du restaurant et la boutique souvenir. Lorsque l'on sait qu’une tonne de charbon coûte aujourd’hui plus de 800 francs, on mesure vite l’intérêt à ne pas gaspiller cette précieuse ressource. Il faut près de 4 heures de préparation pour qu’une locomotive puisse démarrer, le temps nécessaire pour que la chaleur grimpe de 20 degrés à 195 degrés, sans causer de choc thermique. « C’est pour cela que l'on commence toujours par mettre du bois dans le foyer, moins calorifique et aussi quatre fois moins cher. » Si lors de la préparation le chauffeur s’occupe de l’alimentation en bois et en charbon, avant chaque grand départ, le mécanicien se charge de l’entretien courant, du nettoyage et du graissage de la locomotive. Pour la locomotive qui nous concerne : 120 points de graissage à connaître par coeur et à faire un à un avant le démarrage de l’engin.

Le plus grand parc d’Europe !

L’association du chemin de fer Blonay-Chamby possède au total une collection de près de 80 véhicules ferroviaires construits entre 1870 et 1940 (locomotives à vapeur ou électriques, voitures, wagons), soit le plus grand parc d’Europe en voie métrique et en fonction. Environ 70 % d’entre eux sont en état de fonctionner. Ces véhicules sont entreposés à Chaulin, un site qui accueille aussi le Musée de l’association, le premier musée vivant du chemin de fer en Suisse. Aujourd’hui, l’association compte près de 120 membres actifs, tous bénévoles. Outre les festivals, elle met en service des trains depuis Blonay chaque samedi et dimanche de mai à octobre (une fois par mois depuis Vevey). Pour les groupes, des trains spéciaux peuvent être mis en circulation en semaine ou hors saison. Pas besoin de disposer de compétences particulières ou d’avoir un profil spécifique pour devenir chauffeur ou mécanicien de train ! Cette formation est accessible après plusieurs années d’engagement sur les différents niveaux de fonctionnement de l’association, qui recherche aussi des chefs de gare, des contrôleurs de billets, des professionnels de la mécanique et des personnes désireuses de donner divers coups de main.

www.blonay-chamby.ch

COMM'une info n° 79 - juin 2024

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