"J'ai toujours baigné dedans" - COMM'une info n° 79

Publié le 11 juin 2024
On se rend à la Buvette et fromagerie de La Neuve à 1'320 mètres d’altitude. L’occasion d’assister en direct à la fabrication de fromage d’alpage et d’en savoir plus sur le nouveau tenancier du lieu, Armand Millasson, accompagné de son équipe.

Fromager d’alpage, un métier difficile ? Alors que notre premier rendez-vous avait été reporté en raison d’une panne de génératrice, rendant impossible la poursuite de la traite des vaches, c’est cette fois une panne de l’hélice chargée de brasser le lait caillé dans le chaudron en cuivre qui occupe notre interlocuteur au moment de le rencontrer. « J’arrive tout de suite, asseyez-vous seulement », nous lance Armand Millasson avec son accent tinté de patois et de terroir, avant de s’activer vers le local en question. « J’aime relever les défis, quand il y a des choses compliquées… Et ici, il y en a », nous expliquera par la suite le quinquagénaire avec le sourire.

Tombé dans le chaudron depuis petit

Avec sa compagne Christelle Vigneron, Armand Millasson a repris la Buvette et fromagerie de La Neuve l’été dernier pour le compte de la Société d’alpage de Blonay et environs, laquelle loue la bâtisse à la Commune et y place son bétail. Un retour aux sources pour celui qui avait déjà tenu une première fois l’établissement de 2004 à 2011 et avait fréquenté le lieu durant sa jeunesse. « J’étais venu travailler ici avec mon oncle comme garçon de chalet. C’était le 3 juin 1986. J’avais 19 ans. Je venais de passer mon CFC de fromager. C’était une sacrée saison, l’une des plus belles que j’ai jamais vécues jusqu’ici. » Pourquoi s’être lancé dans ce métier ? « Je saurais pas vraiment dire. J’ai toujours baigné dans cette atmosphère. J’ai grandi dans une ferme à La Frasse, sur la Commune de Châtel St-Denis, à 1'000 mètres d’altitude, avec ma mère, mes grands-parents et mes oncles. À côté de nous, il y avait deux voisins qui avaient des chalets d’alpage. J’étais tout le temps fourré chez eux, je leur donnais des coups de main. Les vacances d’été aussi, je les passais à la montagne. Je restais des heures à écouter les récits de mon arrière-grand-mère Marie. J’ai entendu toutes ses histoires. Je rêvais de voir ces chalets dont elle me parlait tout le temps. »

Entretien de l’alpage et buvette

Entretien de l’alpage, soin aux 30 vaches laitières de la société et 33 cochons, traite et transformation du lait en fromage, suivi du pâturage (plantes nuisibles, marquage, pose de clôtures…) et préparation du bois de feu pour la saison à venir : ce sont quelques-unes des tâches effectuées par le patron et son équipe de la mi-avril à la mi-octobre. Au terme de ces quatre mois, ce sont également quelque 7 tonnes de Gruyère d’alpage AOP qui sont produites, en plus du fromage à pâte mi-dure (certifié OIC depuis l’an dernier), réservé aux membres de la Société d’alpage de Blonay et environs. Dans le petit coin magasin du chalet, les promeneurs peuvent aussi trouver beurre, sérac et tommes fraîches en vente libre.

Des produits à emporter après s’être arrêté au préalable sur la terrasse de la Buvette, tenue par Christelle. L’occasion de déguster planchettes, mets au fromage, macaronis et soupe du chalet préparés par ses soins, sans oublier, dans les spécialités récentes : les beignets à Lily, confectionnés selon la recette de la grand-maman d’Armand. « C’est vrai que c’est pas mal de travail, mais je me verrais pas faire autre chose, commente celui qui complète ses fins de mois, l’hiver, par des travaux de déneigement et de débardage, tandis que Christelle occupe un temps partiel dans l’accueil extra-scolaire. « L’idéal serait de pouvoir débrayer le reste de l’année, mais on cherche pas à gagner des fortunes. On se contente de peu. Si on devenait millionnaire à la montagne, ça se saurait ! » (rires).

Buvette et fromagerie de La Neuve, chemin des Alpages à Blonay. Ouverture tous les jours dès 8h, de juin à septembre. Renseignements complémentaires : 079 826 62 20.

« La naissance du fromage est toujours un moment magique ! »

Juste après la traite, le lait cru est chauffé au feu de bois dans un immense chaudron en cuivre, suspendu à une potence, derrière la cuisine. C’est à ce moment-là que démarre tout le processus de fabrication du fromage, lequel demande méthode, savoir-faire et habilité. Passage en revue de quelques-unes des étapes clés.

Une fois que le lait a caillé, Armand et son aide, Jacques, utilisent une toile pour prélever la masse du fromage.

Elle est mise sous presse pour en extraire encore le petit-lait. « On ne doit pas presser le caillé trop fort, sinon, il se bloque, et on ne veut pas ça. »

Après quelques minutes, la masse, d’un poids de près de 30 kg, est retournée en changeant les toiles qui l’entourent. Des toiles trempées au préalable dans le petit-lait du chaudron pour maintenir le tout au chaud. Elle sera encore retournée quatre fois dans la journée avant d’être plongée dans un bain de saumure (préparation de liquide salé dans laquelle on met les aliments pour les conserver). 

Une fois dans la cave d’affinage, les meules seront soumises à des soins réguliers, avant de pouvoir être consommées.

COMM'une info n° 79 - juin 2024

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J'ai toujours baigné dedans - COMM'une info n° 79
Photo : Sandra Culand