Quatre décennies de passion aux Pléiades - COMM'une info n° 79

Publié le 11 juin 2024
Après 40 saisons dont une dernière sans neige ni skieurs, Fredy Cochard, le chef d’exploitation de la station des Pléiades, a pris sa retraite. L’occasion de revenir sur son riche parcours. Portrait.

En 40 ans d’activité aux Pléiades, ce fut l’hiver passé sa première saison… « blanche ». Et ce sera aussi la dernière. Assis dans son antre du Parking des Motalles, Frédéric Cochard constate la chose sans le moindre dépit, tel le vieux sage qu’il est peut-être un peu. Un discret sourire souligne même sa moustache.

Fin avril, il a pris une retraite légèrement anticipée, à pas tout à fait 64 ans. Sans remords ni regrets, bien au contraire. « Je suis plutôt plein de gratitude. J’ai pu vivre ici une vie professionnelle dans une belle indépendance et au plus près d’une nature magnifique », précise le Vaudois né à Brent un 19 septembre 1960, de parents agriculteurs.

Le sexagénaire est imprégné de culture et de nature. Il habite d’ailleurs à deux pas, dans un chalet du hameau d’Ondallaz avec son épouse Catherine, connue en 1990. Le couple n’a pas eu d’enfant. « Ça s’est fait comme ça », commente simplement celui que tout le monde ici surnomme Fredy, avec la même sérénité qu’il énonce tout le reste. « À 13 ans, j’étais déjà très indépendant et mes parents avaient la sagesse de le respecter. Je suis devenu membre du Musée chemin de fer Blonay – Chamby… », poursuit-il comme si c’était là, la clé de voûte de tout le reste. Et effectivement, ce hobby l’amène à enchaîner deux apprentissages au MOB. Le premier de serrurerie de construction et le second de mécanique générale.

Le tournant de la montagne

La montagne est un autre tournant pour lui. Mais elle ne rentre dans sa vie que sur le tard, à 18 ans. « Avant cela, j’aimais partir me balader en moyenne montagne le plus souvent seul. Mais là, j’ai découvert la grimpe, l’alpinisme et la beauté des hautes cimes. C’était par hasard, grâce à un copain. Cela m’a amené à devenir moniteur OJ à la section montreusienne du Club alpin suisse, puis guide de montagne en 1991. » En 1984, le jeune homme prend quelques mois sabbatiques pour s’attaquer à un 7’000 en Himalaya avec un groupe de copains. Une mauvaise météo leur interdit le sommet mais le virus de la liberté s’implante plus profondément dans l’esprit du jeune Frédéric.

Une fois de retour, il démissionne et travaille un temps comme mécano indépendant. Puis il est embauché à son poste actuel aux Pléiades. Le rêve ! « Ici, j’avais un bureau extraordinaire avec vue sur le Léman et le Mont-Blanc. J’ai aimé conduire la chenillette de nuit pour refaire les pistes et croiser sur mon chemin des chevreuils ou des lièvres qui me regardaient tranquillement passer… Mais la saison d’hiver, tu n’as plus de vie. Tu fais de tout : poser des filets, enlever et reposer des clôtures à bétail, préparer des pistes, de la mécanique, de l’admin… De nos jours, on ne trouve d’ailleurs plus guère de gens pour faire ce genre de métiers jugés trop durs… »

À l’aise avec le temps qui passe

L’été, ils sont deux à travailler sur le domaine et lors des hivers normaux, jusqu’à dix fois plus. Et bien sûr, il y a aussi des galères… « Disons que réparer un téléski de nuit sous une tempête de neige mouillée n’est pas l’expérience la plus chaleureuse qu’il m’ait été donné de vivre ici », raconte pince-sans-rire le guide de montagne. Aujourd’hui, il continue à randonner de cabane en cabane mais ne fait plus guère d’alpinisme. « J’ai adoré escalader tous les classiques : le Cervin, la Dent Blanche ou encore le Weisshorn en traversée mais, maintenant, j’ai une hanche artificielle et il y a un temps pour tout dans la vie. Là-haut, comme sur l’exploitation de mon père enfant, j’ai appris que tu ne peux pas aller contre la nature. C’est la montagne qui décide. Tu peux y aller en fonceur comme je l’ai eu fait, mais pas en kamikaze sous peine de ne pas rentrer. J’ai pas mal d’amis qui continuent à être très actifs. Moi, je me suis calmé. Je suis à l’aise avec mon âge et les étapes de la vie… » 

Ses années au club alpin ont ouvert à ce fils d’agriculteurs des perspectives sur d’autres personnes et d’autres cultures. « Cela m’a appris à m’adapter mieux encore à mon milieu… » En montagne, Frédéric Cochard a aussi officié quinze ans comme chef de la colonne de secours. Cette « page des Pléiades qui se tourne » s’ouvre sur d’autres projets. « Ma femme et moi projetons de retourner au Cap Nord en camping-car. C’est ainsi que nous avions exploré l’Alaska et l’Islande. Le cap nord, j’y étais allé à moto en 1985. Je me réjouis d’y retourner… »

COMM'une info n° 79 - juin 2024

Quatre décennies de passion aux Pléiades - COMM'une info n° 79
Photo : Laurent Grabet